C’est la rentrée ! Pour marquer le coup, nous avons décidé d’attaquer un sujet qui nous titille depuis un certain temps : les « mauvais » jeux. Attention, non pas sous l’angle moqueur de la soirée nanar, mais sous un regard qui se veut plus bienveillant.
Pour nous accompagner sur ce sujet, nous avons l’honneur de recevoir Patrick Hellio de Silence on Joue et du Journal des Loisirs Interactifs, grand spécialiste du cinéma bis, défenseur des jeux persécutés, inconditionnel de titres Cinemaware,… et qui partira, avec nous, en quête du « mauvais jeu sympathique ».
Il faudra, au départ, déterminer ce qu’est un mauvais titre, en posant un regard sur les critères de jugement d’un jeu vidéo. Ensuite, nous nous demanderons pourquoi des jeux considérés comme mauvais ou ratés arrivent sur le marché, en s’attardant notamment sur le mode de production d’un titre. Enfin, nous parlerons des regards constructifs et positifs qui peuvent être posés sur un jeu dit mauvais, par-delà ses défauts et autres aspérités.
N’hésitez pas, comme d’habitude, à nous laisser votre avis, à poursuivre le débat dans les commentaires et à parler de Je Game Moi Non Plus autour de vous 🙂
A la prochaine !
Ben au final j’ai été déçue, car j’attendais plus dans l’idée du « j’aime ce que JE considère objectivement comme un mauvais jeu, donc j’ai parfaitement conscience de ses défauts que voici, mais je l’aime quand même pour ces raisons-là ».
Au final, vous êtes bien trop partis dans cette comparaison avec la peinture, ce qui m’a semblé une erreur, car vous l’avez approché d’un angle peu varié, càd « les mauvais jeux selon les critères de la majorité », dans l’idée que ces critères seront amenés à évoluer et qu’ils ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
En plus, les critères que vous considérez comme progressistes, en avance sur leur temps, me semblent tout à fait erronés ; dans la peinture, vous parlez de Kandinsky et Manet, dont les tableaux étaient considérés comme « moches », donc selon le critère « il faut que ce soit beau, agréable à regarder, et ressemblant à la réalité ».
Or, les critères que vous avez suggérés en parlant de Heavy Rain, ce n’est pas qu’ils vont à l’encontre des critères communs du jeu vidéo, mais au contraire, ce sont des critères classiques de cinéma (et en plus je trouve que c’est la solution de facilité). Au final, c’est Heavy Rain qui fait preuve d’un extrême académisme.
Et c’est très dommage, car quand on finit par vous demander comment on pourrait aimer les jeux que vous considérez comme mauvais, vous semblez tous admettre qu’il y a bien des mauvais jeux dans l’absolu, et pas juste en fonction d’une époque, chose qui pourtant avait bien été dite par Fred en parlant du double top 100 d’Edge ou Patrick en parlant des prérequis minimum.
Vous auriez dû vous appesantir bien plus sur les exemples de DP et Nier à mon sens : objectivement des mauvais jeux, mais que vous aimez quand même (et personnellement je ne les aime pas.
Drakengard est bien plus intéressant que Nier car bien moins bon niveau gameplay mais aussi bien plus unique.
Nier reste encore assez académique : agréable à l’oreille, avec une vraie DA et pas assez catastrophique techniquement, sans bug, une progression assez convenue (car la partie intéressante n’est pas du tout assez approfondie), des thèmes un peu vus et revus dans le J-RPG (le pouvoir de l’amitié, merci Emil, et merci les violons sur toutes les scènes un peu tristes). Et le fond (que les amateurs de Nier porte aux nues) n’est pas assez bon pour compenser le côté moyen de la forme : tout le 2e run (qui découvre donc le scénario) ne tient pas la route une seconde (les loups vous m’avez fait chier pendant toute la 1ère partie du jeu alors que j’ai rien demandé et vous venez jouer à la victime derrière ? come on…)
Pour Deadly premoniton c’est un peu pareil, les deux derniers boss et l’histoire des arbres sont complètement over the top, et ça casse complètement ce moment du jeu où les choses deviennent enfin vraiment 1er degré.
Pour Drakengard, le gameplay n’est pas un exemple dans les hack’n’slash, la caméra passablement un peu foireuse, et surtout c’est hyper répétitif et super long, honnêtement c’est chiant à jouer. La musique c’est le Rite du printemps de Stravinsky en encore plus chaotique de par son côté extrêmement répétitif (utilisant de très courts samples),et le scénar en soi n’est pas particulièrement intéressant (la soeur de Caim, Furiae, représente un sceau contre l’Apocalypse, elle est aidée de 4 autres sceaux que l’Empire emmené par un culte « démoniaque » souhaite briser).
Mais le tout participe à et baigne dans une ambiance incroyable.
C’est la loi de Murphy : tout ce qui peut aller mal ira mal mais on aime ça 😀
La musique est complètement oppressante mais je continue de la trouver fascinante après toutes ces années (http://www.youtube.com/watch?v=b3QjBA7u8pE), le fait que les missions soient hyper répétitives fait vraiment ressentir au joueur à quel point le combat est vain et sans fin, le fog et les décors vides jouent un peu le même rôle que dans Silent Hill 2, et les très rares persos qu’on croise sont cinglés, Caim en tête de ligne, ce qui donne paradoxalement encore plus envie de sauver ce qui reste du monde XD
Et comme dans Nier plus tard la 1ère fin est la meilleure que tu puisses avoir : Caim perd sa compagne dragon (laquelle devient le nouveau sceau) qui est à peu près la seule créature qui soit un minimum décente, sachant que la quasi totalité de la population est morte, que le monde est en flammes, et que le dragon va souffrir le martyr le restant de sa vie pour être garante de l’équilibre du monde, comme c’était le cas pour Furiae.
Les autres fins sont de pire en pire : soit Furiae devient un monstre ailé à tentacules dont des milliers de clones envahissent le monde et Caim se retrouve à observer tout ça avec le cadavre de l’originale dans les bras, soit les dragons débarquent pour tuer tout le monde et tu te retrouves à devoir tuer ton ancien compagnon, soit la seule alternative à l’Apocalypse c’est d’arrêter le temps (et tu te fais bouffer avec ton dragon par des bébés géants à dents avant même que ça arrive), soit tu combats la mère de ces bébés dans un monde parallèle aka Shinjuku dans un combat d’anthologie (un jeu de rythme extrêmement difficile dont la moindre erreur se traduit par un gameover immédiat) qui se finit par la mort de la Mère Grotesque juste avant que Caim et le dragon se fassent descendre par un avion de chasse… cette dernière fin entraînant l’Apocalypse qu’on voit dans Nier, du simple fait de la présence de la Mère dans notre dimension.
Et le tout ne cherche même pas à avoir la moindre logique ou cohérence : c’est juste l’Apocalypse, et il peut se passer n’importe quoi (et c’est pour ça que je ne me suis pas gênée pour spoiler).
Du coup, quand on joue à Nier, on est un peu déçu par le côté un peu nian nian de la plupart des scènes dites *dramatiques* (et, oui ça inclut le 2nd run). Parce que pour le coup ils ont cherché à faire un scénar cohérent (ce qui n’est pas le cas, car trop incomplet), qui ne tienne pas que grâce à son ambiance. Et malheureusement, contrairement à Drakengard (la répétitivité et la longueur des missions), le côté gamedesign de Nier n’appuie pas l’ambiance, je parle en particulier des PNJ et quêtes annexes (et ‘tention je vais spoiler un peu).
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En gros, on nous dit : la vie est difficile, les ombres attaquent sans arrêt, la terre est aride, ET on n’est pas de vrais humains, on ne peut pas se reproduire.
Comment répercuter ça sur le gamedesign : NE PAS METTRE de missions Fedex. Sérieusement, soyons logiques : on nous demande d’aller chercher un paquet de matériel et ingrédients, en grosse quantité, ça fait vachement terre aride. Faire en sorte que les marchands soient régulièrement en rupture de stock ou qu’il n’ait pas grande variété dans ce qu’ils proposent : raté, ils vendent une grande diversité de fruits et légumes, à l’infini.
Montrer que l’agriculture est difficile : raté, Nier a son potager, on nous vend des graines, et on a une réussite de 100% sur la récolte de nos fruits et légumes.
Montrer qu’il y a des drames quotidiens, qu’on meure facilement : raté encore, il y a au moins une dizaine de PNJ pour nous demander candidement des nouvelles d’un proche qu’ils ont pas vu depuis des années (et bien souvent quand on enquête, le mec est vivant), on croise 2-3 personnes qui ont le temps d’être adultère et de rejoindre leu amant dans une zone hyper dangereuse, et on laisse les enfants jouer dans une plaine envahie d’ombres sans surveillance – et ça n’est même pas avancé comme ça, ce n’est pas « oh mon dieu, mon enfant est parti jouer dans une zone dangereuse » c’est plutôt « mon enfant est parti jouer de l’autre côté de la plaine (« quoi ?? il a échappé à votre attention, il a été blessé gravement ? ») et quand il est revenu il était malade… (« ah =| ») ».
Montrer que les humains ne sont pas de vrais humains : raté, Nier a une fille, on voit beaucoup d’enfants, et les habitants ne font jamais preuve d’étrangeté… sauf les gens de l’Aire càd les seuls gens vraiment humains.
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Donc au final, même le point fort de Nier, ce pour quoi on serait prêt à passer outre ses défauts dans les autres secteurs du jeu, est complètement bancal, là où Drakengard fait preuve d’une certaine astuce en rendant toooous les aspects du jeu désagréables, bizarres et angoissants, dans une cohérence absolue (Gaëtan sait à quel point j’ai ce jeu dans la peau ;)) – chose que fait pas mal Deadly Premonition pendant la majorité du jeu.
Voilà, c’est un peu ce type d’exposé que j’attendais 😀
Bonjour Kyalie 🙂
Je voudrais revenir sur ce point : « Or, les critères que vous avez suggérés en parlant de Heavy Rain, ce n’est pas qu’ils vont à l’encontre des critères communs du jeu vidéo, mais au contraire, ce sont des critères classiques de cinéma (et en plus je trouve que c’est la solution de facilité). Au final, c’est Heavy Rain qui fait preuve d’un extrême académisme. »
Je ne sais pas si je l’ai exprimé clairement dans l’émission (on n’a pas tous le même point de vue dans l’équipe, ce qui peut donner des points de vue un peu mélangés à l’écoute de l’émission) mais pour moi, l’intérêt de la formule Heavy Rain n’est pas ce qu’il emprunte au cinéma. Ce n’est pas non plus le gameplay à base de QTE. Sur ces deux points, la forme aurait pu être totalement différente sans changer grand chose.
Non, l’intérêt est de redéfinir la raison pour laquelle on joue, dans le sens où on n’a rien à y « gagner ». L’écrasante majorité des jeux vidéo part d’un postulat simple : il faut « vaincre » le jeu, arriver au bout, franchir ses obstacles – le voilà, le critère commun.
Or, tout le monde peut arriver à la fin (à une fin) d’Heavy Rain puisqu’il ne contient pas d’échec, pas de game over, pas de possibilité d’apprendre de ses erreurs, mais simplement des issues moins heureuses que d’autres.
Certains pensent qu’en s’écartant de ce critère commun, on ne fait pas du « bon jeu vidéo », tout comme en s’écartant des règles académiques au milieu du 19e on ne faisait prétendument pas de la « bonne peinture », mais dans le cas du JV ce n’est pas une question de forme.
Encore une nouvelle émission. Finalement, c’est la même difficulté de définir le beau dans les différents domaines artistiques. Car en plus de son côté ludique, le Jeu Vidéo ne peut-il être considéré comme une forme d’art, au même titre que la BD, la photo ou le cinéma. Il mélange du coup divertissement et art. Du coup, en définir les critères de beauté relève d’une sacrée gageure. Et, à mon avis, repose beaucoup sur une part de subjectivité.
Ce qui est beau hier l’est-il encore à nos yeux ? Quels critères pour la beauté ? Un vaste sujet dur à traiter en une émission, j’avoue.
Mais vous avez relevé le défi, car en partant d’un sujet simple, les Mauvais Jeux, vous avez doigt dans l’engrenage du bon et du mauvais jeu. Et les passerelles avec l’art, peinture ou cinéma, apparaissent vite.
Bien qu’en cette fin d’émission, j’ai l’impression que vous n’avez pas vraiment tranché le débat, mais poussé la réflexion plus loin que prévu (ce qui est déjà bien).
Pour ma part, en terme d’art (allez, ne chipotons pas, plaçons le JeuVidéo avec les autres arts !), la définition du beau n’est que subjective.
Peut-être que la question est:
L’oeuvre tient-elle ses promesses esthétiques ? Et dans le cadre d’une oeuvre de divertissement (comme le ciné ou le Jeu), tient-elle ses promesse ludiques ?
Mais l’aspect ludique et esthétique d’une oeuvre peuvent-elles être définies de manière objectives ? Peuvent-ils être dissociés l’un de l’autre ? Et peuvent-ils être dissociés d’une époque ? Ce qui était ludique il y a trente ans ne l’est pas forcément aujourd’hui.
Bien Compliqué tout ça.
En tout cas, bravo d’avoir essayé de creuser le sillon de cette réflexion. Et merci de m’avoir fait cogiter (même si ce n’est que quelques instants) sur le sujet.
Vivement l’épisode 21 et merci pour vos émissions
Vous pourrez vous dire en finissant ce commentaire: Ah, pour une fois qu’il ne nous case pas son L4D, lui.
Ah ben zut, je viens de le faire !
@DVNEAU
Le fait qu’on parle naturellement de « bon » et pas de « beau » est déjà intéressant en soi : )
Hello,
je suis en train d’écouter votre (très bon) podcast, et j’ai un exemple de jeu destiné au public et développé par un studio japonais : la série de catch WWE « Smackdown VS RAW » ! C’est étonnant pour un produit aussi américain, mais l’équipe de développement est bel et bien japonaise ! (en même temps, le catch -appelé là-bas puroresu- est très populaire au japon…)
je voulais dire « un jeu destiné au public américain », bien entendu…